La réouverture de l’ALENA a été un dossier chaud cette année partout en Amérique. Toutefois, l’intérêt des médias a considérablement divergé d’un pays à l’autre. À titre d’exemple, au Québec, 11,24 % de la couverture des enjeux s’intéresse à la gestion de l’offre, alors que les quotidiens canadiens anglophones, américains et mexicains analysés priorisent plutôt la question des règles d’origine. Cette dissonance dans les médias illustre de manière éloquente les raisons pour lesquelles les négociations semblent avancer à pas de tortue…  

Vue d’ensemble

Bien que la production médiatique canadienne soit 17 fois moins volumineuse que celle des États-Unis, la proportion de la couverture accordée par le Canada à l’ALENA dépasse de 6 % celle produite par les médias américains! Le Canada cumule ainsi 40,54 % des mentions de l’ALENA en Amérique du Nord en 2017, contre 34,76 % pour les États-Unis. À vue de nez, on comprend que la dépendance du Canada envers les États-Unis en matière d’exportations stimule largement la couverture médiatique du sujet. Après tout, le pays de l’oncle Sam devrait recevoir environ 75 % des exportations canadiennes en 2017.

 

 

Principaux enjeux et constats : l’importance de la perspective

Les règles d’origine

Les États-Unis veulent largement augmenter la proportion de pièces fabriquées en Amérique du Nord, et exiger qu’un large pourcentage de celles-ci soit produit chez eux, afin qu’une voiture soit admissible à l’exemption de frais de douane prévue dans l’ALENA. Cette mesure pourrait avoir un impact négatif majeur sur l’industrie de l’auto au Canada et au Mexique, mais ne garantit pas pour autant le rapatriement des emplois du secteur vers le pays de l’oncle Sam.

Pas surprenant donc que la question des règles d’origine soit l’enjeu qui a été le plus médiatisé au Canada (12,35 %), au Mexique (10,97 %), et surtout aux États-Unis (23,08 %). Au Québec, les règles d’origine sont également largement couvertes. Elles arrivent en 2e position et comptent pour 10,97 % de la médiatisation des enjeux des négociations dans les médias analysés.

Le Chapitre 19

Le Chapitre 19 de l’actuel accord prévoit des comités d’arbitrage binationaux lorsqu’un des signataires souhaite contester des droits antidumping qui lui sont imposés. Le Canada ayant souvent utilisé ce recours, il est tout simplement inadmissible pour lui de le voir abolir comme le souhaitent les États-Unis.

Au Canada anglais, la couverture du Chapitre 19 arrive ex aequo avec celle des règles d’origine avec un poids médias de 12,35 %. Elle arrive en 3e position au Québec avec un poids médias de 8,99 % et 2e au Mexique, avec un poids médias de 6,45 %. Le sujet arrive en 6e place aux
États-Unis.

La gestion de l’offre

La gestion de l’offre est un système qui contrôle les volumes de production de lait, d’œufs et de volaille afin d’en stabiliser les prix. Souvent remise en question lors de négociations d’accords de libre-échange, l’administration Trump a demandé son abolition pure et simple, chose que les négociateurs canadiens jugent inadmissible.

Encore une fois, la médiatisation des enjeux des négociations répond aux impacts possibles sur le territoire couvert par le média analysé. En effet, l’abolition de la gestion de l’offre toucherait fortement l’industrie laitière au Québec. C’est précisément pourquoi cet enjeu est le plus médiatisé au Québec (11,24 %). Ailleurs en Amérique du Nord, ce sujet obtient beaucoup moins de visibilité.

L’exception américaine — le déficit commercial comme enjeu principal

Soulignons la singularité de la couverture des enjeux des négociations dans les journaux américains analysés. Parmi les cinq enjeux les plus couverts sur chaque territoire, seule la question des normes d’origine est partagée par les médias de tous les territoires impliqués.

Si on remarque certaines similarités entre les enjeux couverts au Québec, au Canada et au Mexique, les journaux américains analysés dépeignent une image très différente des négociations. Ils insistent davantage sur l’objectif ultime des négociateurs américains : rééquilibrer les importations et les exportations avec les pays partenaires au sein de l’ALENA.

Si le fossé observable entre la couverture des principaux enjeux de l’ALENA dans les journaux américains, québécois, canadiens et mexicains est représentatif du fossé qui sépare les positions des États-Unis de celles des autres pays partenaires, on peut s’attendre à de très longues, voire interminables, négociations…